La technique psychanalytique propose justement la mise à distance du sujet des protocoles et des prêts à penser. « En cela, c’est une discipline émancipatrice avant d’être thérapeutique » (Catherine Clément, Article « La solitude, un jeu d’enfant » dans Les Collections du Magazine littéraire, La solitude, Page 53, octobre novembre 2007, hors série N°12). Aujourd’hui, beaucoup de thérapies, à la recherche d’efficacité, réduisent l’homme à la somme de ses comportements, à ses capacités d’adaptation, à ses potentiels d’action. En prônant des résultats rapides, avec l’aide potentielle de la puissante chimie (pourtant parfois indispensable), elles étendent leur influence en développant la passivité du patient. Dans le cas de l’hypnose, le praticien réactive le traumatisme dans une intervention active, cette contrainte sur le malade neutralise sa volonté, est-il alors sous influence? L’expérience a éloigné la psychanalyste de cette technique, par ailleurs bien utile dans d’autres domaines.
En proclamant qu’une même cause produit un même effet, certaines pratiques enferment dans la normalisation et le conditionnement de la thérapie active. La plupart du temps, elles s’attaquent aux symptômes alors que nous nous attaquons aux causes. En psychanalyse, il faut du temps, beaucoup de patience et d’abnégation pour arriver à recueillir les données et informations essentielles, la résistance est souvent difficile à vaincre.
Propos d’Éric Ruffiat, L’alliance thérapeutique, Conférence Nîmes, 11 Février 2012
« Si la souffrance pose problème et que certains pensent qu’il faut l’éradiquer, ce n’est pas dans du registre de la psychanalyse. Les souffrances aussi dures soient elles, aussi comparables soient elles dans leur intensité ou similaires dans leur force, sont toutes différentes les unes des autres. De ce fait, elles ne doivent pas être abordées ni traitées de la même façon. Comme tous les psychanalystes, nous travaillons à la pièce, pour moi, chaque histoire est différente, chaque sujet est différent ».
Il est toujours utile de rappeler qu’une souffrance mentale ne se résume pas à une carence en telle substance dans une région du cerveau, le patient n’est pas un simple objet d’observation, avec la psychanalyse, il est d’abord sujet, acteur de son propre destin. Autrement « nous irons vers une société organique où nous serons traités comme des objets ». (Propos d’Alain Badiou recueillis par Eric Aeschimann, dans magazine Le nouvel Observateur, Faut-il brûler la psychanalyse? Page 101, Avril 2012)
Cela signifie que la psychanalyse s’inscrit d’emblée dans une dynamique de transversalité avec les autres disciplines de la société. Elle donne un éclairage différent et complémentaire. L’individu et ses symptômes évoluent dans un environnement génétique, familial, sociétal, environnemental, phénoménologique…ces paramètres ne sont pas oubliés. La psychanalyse est née d’échanges, de cheminements hasardeux et hésitants mis en partage et soumis à débat, les contradictions sont incontournables pour l’évolution d’une pensée humaine rationnelle. Le cadre analytique, inséré dans une époque considérée, reçoit le symbolique et autorise la différence, l’ouverture à de nouvelles définitions de l’individu.
En ce sens, la psychanalyse est forcément subversive, Freud l’avait bien compris : « je crois avoir introduit quelque chose qui occupera longtemps les hommes »… Cet éclairage surprenant de l’homme l’expose d’emblée à des controverses passionnées, qui sont toujours d’actualité ! L’effervescence intellectuelle permanente autour de ses concepts et de sa technique ne peuvent que l’enrichir. Les corrections, réactualisations et remaniements ne peuvent qu’être fidèles à son concepteur. La psychanalyse déroute car elle ne peut pas être saisie à l’aide de connaissances acquises. Elle étudie les êtres vivants dans une dynamique évolutive.